3 minutes de lecture | 15 juillet 2023

Un tempérament à la réserve : les contrats d’assurance vie

Les contrats d’assurance-vie souscrits par un défunt sont en dehors de sa succession, conformément à l’article L. 132-13 du Code des assurances.

Un tempérament à la réserve : les contrats d’assurance vie

Instituer une personne bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est donc une manière de lui faire une libéralité sans qu’elle soit obligée de la rapporter à la succession et sans qu’elle puisse être réduite.

Il s’agit donc d’une entorse aux dispositions instituant l’égalité successorale, la réserve et la quotité disponible.

Toutefois, l’article L. 132-13 du Code des assurances pose une limite à cette possibilité, limite il est vrai très imprécise, puisqu’il ne faut pas que les primes versées soient « manifestement exagérées. »

Avant de traiter la question de la définition d’une prime manifestement exagérées, examinons les conséquences de cette qualification.

Conséquences de la réintégration des primes

Tout d’abord, seul un juge ou l’accord des parties peuvent avoir pour effet de réintégrer un contrat d’assurance-vie à une succession.

Le notaire chargé de la succession n’a pas le pouvoir de le faire et il ne s’intéresse en principe qu’aux primes versées après 70 ans car elles doivent figurer dans la déclaration de succession, sans aucune incidence par ailleurs sur le partage civil.

Ensuite, avant d’envisager cette réintégration à la succession, il faut en mesurer les conséquences, en fonction de :

  • la qualité du bénéficiaire,
  • le montant des primes,
  • la dévolution successorale,
  • l’actif successoral.

Chaque situation est donc unique et nous allons prendre quelques exemples pour le montrer.

1/ Si le bénéficiaire est étranger à la succession, les primes versées y sont réintégrées et il perd sa libéralité, devant rembourser aux héritiers ce qu’il peut avoir perçu, à moins que le juge ne décide de requalifier l’opération en donation et le bénéficiaire pourrait alors conserver ce qui n’excèderait pas la quotité disponible, s’il existe des héritiers réservataires.

2/ Si le bénéficiaire est héritier, la réintégration à la succession lui bénéficiera à hauteur de sa part dans la succession, sauf requalification en donation, rapportable ou préciputaire, ce qui dans ce cas lui bénéficiera plus ou moins en fonction des résultats de la liquidation.

3/ Le juge peut décider de ne réintégrer qu’une portion des primes versées.

Ainsi, avant de se lancer dans une demande judiciaire de réintégration des primes versées dans une succession, en fonction de sa qualité à agir, du montant des primes, de l’actif successoral, il faut envisager les différents cas de figure possibles.

Les conseils d’un avocat compétent en la matière sont indispensables afin de ne pas se lancer dans une opération judiciaire nécessairement coûteuse, sans intérêt économique suffisant et sans certitude de succès, ce qui nous amène à examiner les cas où les primes versées pourraient être qualifiées d’exagérées.

Primes manifestement exagérées

Un tempérament à la réserve : les contrats d’assurance vie

Le texte laisse une latitude totale à la jurisprudence pour décider de ce qu’est une prime manifestement exagérées et celle-ci ne s’en est pas privé pour accumuler au fil des années les critères permettant cette définition.

Nous allons énumérer les principaux, sachant qu’à présent ils peuvent tous être utilisés pour réunir un faisceau d’indices.

La qualification du contrat

Si ses caractéristiques le permettent, il peut perdre sa qualification de contrat d’assurance pour une autre qualification, comme par exemple celle de contrat de capitalisation.

L’utilité du contrat

Si le souscripteur est très âgé ou atteint d’un mal incurable, sa fin étant certaine à brève échéance, le contrat perd son aléa et cesse d’être un contrat d’assurance.

La situation patrimoniale de l’assuré

Alors que les deux premiers critères sus énoncés ont toujours été retenus et continuent de l’être, ceux relatifs à la situation patrimoniale du souscripteur sont en constante évolution jurisprudentielle.

A l’origine, l’affectation d’une partie du patrimoine du disposant à la souscription du contrat était majeure, comme notamment l’utilisation du prix de vente d’un bien immobilier pour la souscription du contrat d’assurance-vie.

Puis il a été retenu la comparaison du montant des primes avec l’actif successoral afin de voir en particulier si la souscription du contrat avait porté atteinte à la réserve.

Un arrêt de la Cour de cassation a, depuis quelques années, écarté ce critère, ce qui n’empêche pas de l’utiliser dans une procédure, surtout, s’il s’additionne à d’autres.

Le critère actuellement retenu est celui des capacités de l’assuré au moment de la souscription et si cette souscription n’entraîne pas son appauvrissement significativement.

De tout cela il résulte que la mise en avant du caractère manifestement exagéré des primes ayant abondé des contrats d’assurance vie ne peut se faire qu’après une étude approfondie de la situation, avec les conseils d’un avocat particulièrement versé sur cette question.

Cela étant, la souscription du contrat et la modification des clauses bénéficiaires peuvent être attaquées sur le fondement de la validité des conventions, par exemple à l’égard de l’insanité d’esprit éventuelle du disposant.

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