La tontine : donation déguisée ?
Ce joli nom à la connotation enfantine désigne une institution peu utilisée mais qui peut présenter un avantage certain, celui de faire une libéralité au dernier vivant des cocontractants échappant à l’obligation de rapport à la succession du prémourant et de réduction éventuelle, à condition toutefois de respecter scrupuleusement certaines règles.
Globalement, il s’agit d’acheter un bien en commun généralement entre deux personnes et la propriété entière du bien revient à celui des deux qui survit à l’autre.
C’est une espèce de donation au dernier vivant.
Mais comme c’est un contrat aléatoire (on ne sait pas lequel des deux mourra le premier), bien qu’il constitue en fait une libéralité de sa part sur bien par le prémourant au survivant, cette libéralité n’est pas soumise aux règles du rapport des libéralités et de leur réduction, si elle porte atteinte à la réserve héréditaire.
Mais des conditions draconiennes doivent être respectées afin de ne pas recourir à une requalification en donation déguisée qui entraînerait alors une obligation de rapport et le cas échéant de réduction.
Ces conditions tiennent essentiellement à l’existence d’un aléa, condition indispensable à la validité d’un contrat aléatoire.
Cet aléa repose sur la détermination du cocontractant qui recevra la propriété totale du bien objet du contrat.
Pour que cet aléa existe, il faut qu’il soit impossible de déterminer avec certitude à qui bénéficiera la clause dite d’accroissement.
Cela veut dire qu’au moment de l’établissement de la convention, on ne doive pas pouvoir savoir qui mourra le premier !
En conséquence, les cocontractants doivent avoir la même espérance de vie, compte tenu essentiellement de leur âge et de leur état de santé.
En outre, ils doivent avoir concouru de façon équivalente et réellement au financement du bien (si l’un paie la part de l’autre d’une manière détournée, il peut toujours en subsister des traces).
Au décès de l’un des partenaires, l’autre acquiert la propriété du bien acheté en commun et il est évident que les héritiers réservataires du premier vont tenter de faire requalifier l’acte en donation afin d’obtenir le rapport et la réduction éventuelle de ce transfert de propriété qui représente en fait une véritable libéralité.
Au décès et lors du transfert de propriété de la part du prémourant, l’Administration fiscale prélève des droits de mutation selon le barème des droits de succession, si bien que le cocontractant marié ou partie d’un pacs est exonéré.
L’assiette de ces droits est la valeur transmise.
Devant les particularités de cette institution, il convient d’être très prudent lors de sa mise en œuvre et il est vivement recommandé de prendre conseil de professionnels expérimentés en droit des successions, afin qu’ils analysent touts les paramètres de l’opération, pèsent les risques et en informe complètement les partenaires.
Un moyen de limiter les risques pourrait être peut-être de ne transmettre au survivant que l’usufruit de la part du bien détenue par le prémourant.