Tempérament à la réserve : donation avec absence de rapport ou préciputaire
Malgré le principe de l’égalité successorale et l’existence de la réserve, il est possible d’avantager un héritier.
Nous allons en examiner les moyens après avoir rappelé les principes de base.
Explorons les astuces légales permettant d’avantager un héritier dans le respect des principes de la réserve et de la quotité disponible, illustrant comment transcender les barrières de l’égalité successorale tout en naviguant les dédales de la loi.
Les principes
L’article 843 du Code civil dispose :
« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant. »
Cet article résume la complexité des opérations de liquidation partage d’une succession, ses effets sont aisés à comprendre pour un professionnel, mais beaucoup moins pour un profane car il fait référence à plusieurs notions et techniques de liquidation.
Il faut tout d’abord comprendre ce qu’est le rapport aux cohéritiers.
Au nom de l’égalité successorale, on a estimé que tout ce qu’un héritier a reçu du défunt de son vivant doit être considéré comme une avance sur ses droits successoraux et doit lui être compté lors de la liquidation de la succession. C’est la raison pour lesquelles les donations sont parfois dites « en avancement d’hoirie ».
Donc, on ajoute aux biens présents à l’ouverture de la succession la valeur des biens donnés (valeur à la date du partage dans l’état où ils étaient à la date de la donation selon l’article 860 du Code civil) et on fait le partage en en tenant compte.
Ainsi, si un héritier a reçu un bien qui, à la date du partage équivaut à sa part dans la succession, il ne prendra rien dans la succession, ayant déjà été nanti. Il peut même devoir une soulte s’il a été trop bien servi par avance.
Toutefois, il a été admis que la volonté du défunt peut introduire un déséquilibre entre les héritiers.
Comment avantager un héritier ? Le préciput
On dit à présent libéralité avec dispense de rapport au lieu de libéralité avec préciput. Il ne faut pas confondre ce préciput avec celui attribué à un époux dans le contrat de mariage et qui lui permet de prélever des biens sur ceux de la communauté avant le partage de la succession du prémourant.
La loi sur les successions de 2006 a clairement indiqué ce qu’étaient la quotité disponible et la réserve et lire l’article 912 du Code civil y relatif est la meilleure définition de ces deux notions :
« La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent.
La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. »
La libéralité avec dispense de rapport implique qu’elle ne sera pas prélevée sur la part de succession mais sur la quotité disponible, ce qui permet de rompre l’égalité successorale entre les héritiers.
Cette mention figurera dans l’acte de donation ou dans un acte ultérieur (art. 919 du Code civil).
Mais attention, les libéralités imputables sur la quotité disponible se font dans leur ordre chronologique, c’est-à-dire que l’on impute d’abord les plus anciennes.
De ce fait, comme on ne sait pas quel sera le montant de la quotité disponible car elle est calculée à partir de la valeur des biens que le défunt laisse à son décès, valeur augmentée de celles de toutes les libéralités qu’il a pu consentir au cours de son existence (art. 922 du Code civil), il se pourrait que cette quotité disponible ne puisse absorber la libéralité préciputaire, dans ce cas le bénéficiaire peut voir imputer toute ou partie de cette libéralité sur ses droits dans la succession, voire même verser une soulte pour conserver cet avantage.