La réserve héréditaire et ses tempéraments légaux
La réserve héréditaire est une spécificité française qui demeure dans certains pays ayant adopté le Code Napoléon.
Si son principe subsiste, elle a été notablement amoindrie par des dispositions successives et certains tenants de la doctrine et de la pratique luttent pour l’anéantir.
Nous examinerons son principe et ses tempéraments actuels et légaux.
Les principes de la réserve.
Il est à noter que si la loi sur la réforme des successions de 2006 en ses articles insérés dans le Code civil sous les numéros 912 et suivants a défini la réserve, alors qu’elle ne s’y trouvait pas expressément mentionnée sous cette forme auparavant et a précisé qu’elle s’exerçait sur les biens de la succession, cette affirmation a été immédiatement contredite par l’article 924 du même Code qui dispose que la réduction des libéralités portant atteinte à la réserve héréditaire se traduit par une indemnité.
La réserve en nature a donc disparu et le sacro-saint principe du maintien des biens dans la famille de sang (principe qui avait longtemps obéré les droits du conjoint survivant) est ainsi devenu caduque, donnant par-là plus de pouvoir à la volonté du défunt, mais on ne peut s’empêcher d’observer la tendance idéologique qui vise, depuis la Révolution, sous un prétexte égalitaire, à faire disparaître la transmission intégrale dans la famille de sang de la propriété notamment foncière. Mais ce n’est pas le lieu d’entrer dans ce débat, la question n’étant soulevée ici que pour une compréhension des forces qui sous-tendent l’évolution de notre législation.
Avant de préciser la quotité de la réserve, examinons les bénéficiaires. Ce sont :
- Les descendants directs,
- Le conjoint survivant en l’absence de descendants direct.
Si face au conjoint survivant, les ascendants ont toujours des droits dans la succession en l’absence de descendants directs, en concurrence avec les frères et sœurs du défunt ou les descendants de ceux-ci, la loi de 2006 a supprimé leur réserve.
Le calcul du montant de la réserve est complexe car son assiette n’est pas fondée exclusivement sur les biens présents dans la succession à la date du décès, mais elle dépend parfois des libéralités faites par le défunt de son vivant.
La réserve est de la moitié de sa masse de calcul si le défunt laisse un descendant direct, des deux tiers s’il laisse deux descendants directs, des trois quarts s’il en laisse trois ou plus.
La quotité disponible se trouve donc en conséquence, dans ces différents cas, de la moitié, d’un tiers ou d’un quart.
La réserve du conjoint survivant en l’absence de descendants directs est d’un quart.
Les tempéraments à la réserve
La réserve peut être légalement amoindrie et même complètement disparaître en fonction des dispositions ayant été prises par le défunt.
Le moyen le plus radical est de ne laisser aucun bien à son décès, mais attention, la réserve peut réapparaître au moment de la liquidation de la succession, par le jeu du rapport des libéralités (cette question très complexe sera abordée à l’occasion d’autres articles).
En effet, le mécanisme du rapport des libéralités faites du vivant du « de-cujus » peut obliger les bénéficiaires à payer une indemnité de réduction, même si ces libéralités ont des décennies. En outre, la valeur rapportable du bien donné peut être celle de ce bien à la date de la liquidation, bien augmentée s’il s’agit d’un bien immobilier donné de longue date.
En dehors de ce cas extrême et peu fréquent, plusieurs moyens sont possibles pour modifier le quantum de la réserve.
Ce sont notamment :
- la tontine,
- le régime matrimonial de la communauté universelle, mais seulement si les enfants sont tous du même lit ,
- les libéralités préciputaires (absence de rapport), parfois,
- les contrats d’assurance-vie dans certaines conditions,
Nous examinerons ces possibilités en détail dans les articles qui leur seront consacrés.