L’évaluation des biens immobiliers successoraux
Lors des opérations de liquidation et de partage d’une succession, l’évaluation des biens immobiliers peut poser des problèmes et susciter des litiges entre les héritiers et d’autres ayant droit de la succession.
La nécessité de cette évaluation est évidente et elle doit se faire rapidement en raison de l’obligation de déposer une déclaration de succession et de payer les droits de succession dans les six mois qui suivent le décès.
Le désaccord entre les héritiers sur la valeur des biens peut retarder ou empêcher le dépôt de cette déclaration et le paiement des droits, ce qui peut entraîner le paiement d’intérêts de retard et des pénalités allant de 10 à 40% des sommes dues à l’administration fiscale.
Ce n’est donc pas une affaire à prendre à la légère et en cas de désaccord des héritiers sur les valeurs, le notaire, qui ne peut agir qu’avec l’accord des parties, est dans l’impossibilité d’établir les actes, notamment la déclaration de succession dont les obligations, rappelons-le pèsent solidairement sur les héritiers.
Il est donc primordial de régler cette question de la valeur des biens successoraux, notamment immobiliers très rapidement et s’il est impossible de trouver un accord amiable, de diligenter sans délais les procédures judiciaires permettant les évaluations nécessaires.
Après avoir indiqué quelles sont ces évaluations nécessaires, nous examinerons comment y procéder de façon amiable et contentieuse.
Puis nous exposerons les causes de désaccord et les précautions à prendre pour les éviter
Les évaluations nécessaires
Les biens immobiliers présents dans la succession et qui ont été donnés par le défunt doivent être évalués :
- à la date du décès pour l’établissement de la déclaration de succession, pour le calcul de la quotité disponible et pour le calcul des indemnités de réduction éventuelles ;
- à la date du partage pour celui-ci et pour le rapport à la succession des biens donnés ainsi que pour le calcul des indemnités de réduction éventuelles,
- parfois à la date de la donation lorsqu’ils ont été sous évalués dans l’acte ou lorsqu’ils ont subi des transformations.
On voit tout de suite que ces évaluations sont parfois difficiles à établir et peuvent être source de litiges.
Les évaluations amiables
Lorsqu’il n’y a pas de désaccords importants entre les héritiers, les évaluations peuvent se faire à l’amiable à partir :
- des actes de mutation relatifs aux biens dont il s’agit,
- d’évaluations fournies par les agences immobilières,
- des différentes bases de biens se trouvant sur internet, privées ou officielles, telles que celle de l’administration fiscale ou des notaires,
- d’une expertise amiable réalisée par un expert immobilier, de préférence agréé par une cour d’appel.
En principe, le notaire est de bon conseil car lors de l’établissement de la déclaration de succession, son devoir de conseil et d’information lui impose de donner son avis sur les valeurs proposées par les héritiers, afin d’éviter un redressement fiscal.
Lorsqu’elles existent, les déclarations de l’impôt sur la fortune immobilière sont une bonne base.
Toutefois, il arrive que le défunt ait sous-évalué ses biens dans ces déclarations. Dans ce cas, il est conseillé de déclarer des valeurs conformes à la véritable valeur des biens dans la déclaration de succession et, le cas échéant, que les héritiers établissent des déclarations rectificatives pour les déclarations sur la fortune immobilière, pour les périodes non prescrites.
Les évaluations contentieuses
La procédure est différente selon qu’il existe ou non une procédure de liquidation judiciaire de la succession.
Avant toute procédure
- établir le désaccord entre les héritiers,
- diligenter une procédure en référé sur le fondement de l’article 145 du Code procédure civile pour que soit ordonnée une expertise judiciaire.
En cas de procédure de liquidation judiciaire en cours
- diligenter un incident de procédure pour demander au juge de la mise en état d’ordonner une expertise,
- demander au juge de fixer une valeur à partir des éléments fournis par les parties, dans sa décision finale, avec le risque qu’il ordonne une expertise avant dire droit, ce qui retardera la décision finale.
Une expertise judiciaire est coûteuse, surtout s’il y a plusieurs biens dispersés sur l’ensemble du territoire.
Il est donc préférable de trouver un accord amiable entre les héritiers et de tenter de résoudre les divergences.
Les causes de désaccord et les difficultés d'évaluation
Elles sont nombreuses, les plus courantes sont les suivantes :
- d’une manière générale, valeur des biens à la date de la donation, du décès et du partage,
d’où il résulte :
- celui qui doit recevoir un bien dans le partage ou doit le rapporter à la succession voudra le dévaluer ;
- lorsqu’un bien a été sous-évalué dans une donation, le donataire s’oppose à ce qu’il soit réévalué à son juste prix lors des opérations de liquidation partage s’il doit en être tenu compte ;
- certains donataires ont apporté des améliorations au bien qu’ils ont reçu et veulent qu’il en soit tenu compte, ce qui est légitime, mais la valeur de ces améliorations peut être sujette à discussion ;
- construction supplémentaire sur un terrain donné ;
- certains donataires ont aliéné le bien qu’ils ont reçu avec une valeur déclarée inférieure à celle qu’il avait lors de cette aliénation ;
- la nature du bien donné a changé (terrain constructible devenu non constructible ou l’inverse) ;
- valeur locative du bien si elle entre en jeu ;
Les précautions à prendre
Elles sont de bon sens, mais on n’y songe pas toujours.
Tout d’abord, il est préférable, dans toute démarche, de déclarer une valeur d’un bien conforme à la réalité.
Si l’on réalise des travaux dans un bien donné, il convient de conserver toutes les factures relatives à ces travaux.
Il faut conserver également tous éléments permettant de déterminer la valeur du bien, évaluations d’agence, même anciennes, propositions d’achat, contrats d’assurance, déclarations IFI, etc…
Les conseils de professionnels avisés (notaires et avocats) sont bien évidemment nécessaires que ce soit en amont de la succession ou lors des opérations de liquidation et de partage.