Le rapport des dons manuels et d’autres libéralités
« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu’en moins prenant. » Art.843 du Code civil
Cet article s’applique à l’égard des remises d’argent même modiques qui se font le plus souvent entre parents et enfants, dès lors qu’elles sortent du cadre des présents d’usage (cadeaux d’anniversaire, de Noël, etc…). On les appelle dons manuels.
En outre, toute libéralité est taxable fiscalement, quel que soit son montant.
Si le don manuel est inférieur à 15.000 €, il peut être déclaré au moyen du formulaire fiscal n° 2735.
Pour une somme supérieure il convient d’utiliser le formulaire 2734.
Cette déclaration doit se faire dans le mois qui suit la remise de la somme.
Il est préférable de déclarer immédiatement tout don manuel pour bénéficier de l’abattement fiscal de 100.000 € qui se renouvelle tous les 15 ans.
Il est possible de bénéficier d’un abattement supplémentaire de 31.865 € sous certaines conditions.
A défaut, le don sera taxé au moment de sa révélation à l’administration fiscale, notamment lors de la déclaration de succession au décès du donateur et il entrera alors dans la taxation des libéralités des quinze dernières années, faisant perdre ainsi le bénéfice des abattements antérieurs.
Si le don manuel est antérieur au décès de plus de quinze années et avait été déclaré, il ne figurera pas dans la déclaration de succession, mais cela ne veut pas dire que le rapport n’en sera pas dû, que l’action en réduction ne pourra s’exercer, le partage fiscal étant souvent différent du partage civil, notamment lorsque des libéralités sont intervenues plus de quinze années avant le décès.
D’autres opérations peuvent être qualifiées de libéralités, par exemple, l’utilisation de la carte bancaire des ses parents ou d’une procuration sur leur compte ou les ponctions sur un compte joint alimenté en grande partie par le co-titulaire.
Jusqu’à une date assez récente, la preuve de ce que ces ponctions n’avaient pas été faites dans l’intérêt du défunt suffisaient à les faire requalifier en donation rapportables et réductibles.
A présent, les juridictions imposent d’apporter la preuve de l’intention libérale du défunt, ce qui est pratiquement impossible, s’agissant d’opérations ponctuelles faites sur le compte bancaire du défunt, souvent à son insu, pour des sommes modiques mais qui finissent par chiffrer à la longue et atteignent parfois des dizaines de milliers d’euros au total, voire plus au fil des ans.
Dans ce cas, le seul recours, à défaut d’apporter la preuve de l’intention libérale, est de poursuivre sur le plan civil au motif de l’abus de mandat ou sur le plan pénal du chef d’abus de confiance, d’escroquerie ou de vol, encore faut-il que les éléments constitutifs de ces infractions soient réunis et que la prescription ne joue pas.
Les héritiers du défunt peuvent agir contre l’auteur de ces faits dans les conditions prévues par le principe de la continuation de la personne du défunt.
Ces situations se rencontrent souvent, d’autant que les personnes très âgées sont de plus en plus nombreuses à devoir confier leurs intérêts à un parent ou à une relation, n’ayant plus la possibilité d’agir elles-mêmes. Elles sont très complexes.
Que vous soyez héritier victime de ces agissements ou accusé de les avoir commis car vous vous êtes occupé du défunt, il est nécessaire de recourir aux conseils d’un avocat bien au fait de ces questions et qui saura utilement vous conseiller et vous défendre efficacement.